Secrétariat canadien des avis scientifiques Région de la capitale nationale Avis scientifique 2022/052 Décembre 2022 AVIS SCIENTIFIQUE DESTINÉ AU PROGRAMME DE PROTECTION DU POISSON ET DE SON HABITAT CONCERNANT L’ESTIMATION DES EFFETS NÉFASTES SUR LE POISSON ET DES MESURES DE COMPENSATION POUR LA MORT DU POISSON Figure 1. Les sept régions administratives de Pêches et Océans Canada (MPO). Contexte : Les ouvrages, entreprises ou activités (OEA) susceptibles de causer la mort du poisson contreviennent à la Loi sur les pêches et à la Loi sur les espèces en péril s'il y a également mort d'espèces aquatiques en péril, à moins d’autorisation contraire. Lorsqu’il décide de donner une autorisation en vertu de la Loi sur les pêches, le Ministère applique une approche fondée sur les risques pour déterminer la probabilité et la gravité des effets néfastes potentiels sur le poisson et son habitat qui pourraient résulter de l’exploitation d’OEA. Pour ce faire, le Ministère est guidé par divers principes, tels que l’approche de précaution et l’approche écosystémique, et prend en compte un certain nombre de critères, notamment les espèces susceptibles d’être touchées, ainsi que la fréquence, la durée, l’ampleur et l’étendue des OEA pouvant entraîner la mort du poisson. Le Programme de protection du poisson et de son habitat (PPPH) souhaite obtenir un avis sur les conséquences possibles et sur la manière de quantifier les effets néfastes des OEA, autres que la pêche, qui causent la mort du poisson, ainsi que sur les moyens qui permettraient de compenser la mort du poisson associée à ces OEA. En ce qui a trait aux mesures de compensation, le PPPH souhaite obtenir un avis sur la manière de compenser les OEA susceptibles d’entraîner la mort du poisson, des renseignements sur ce type de compensation au sein des territoires de compétence Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 2 canadiens et étrangers, de même qu’un résumé des mécanismes appliqués et de l’efficacité de ces pratiques, si de tels renseignements deviennent disponibles. Le présent avis scientifique est tiré de la réunion sur les avis scientifiques national sur l’avis scientifique destiné au Programme de protection du poisson et de son habitat concernant l’estimation des effets néfastes sur le poisson et des mesures de compensation pour la mort du poisson, qui s’est tenue du 12 au 16 avril 2021. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada. SOMMAIRE • Le présent avis scientifique résume une analyse des méthodes qui peuvent être utilisées pour quantifier la mortalité résiduelle (p. ex. la mort du poisson par des moyens autres que la pêche) résultant d’un ouvrage, d’une entreprise ou d’une activité (OEA) pour les populations et les communautés halieutiques, et des mesures visant à compenser cette mortalité résiduelle. • Cet avis met l’accent sur la prise de décisions en lien avec la mortalité et la productivité du poisson dans le cadre du Programme de protection du poisson et de son habitat. Bon nombre de ces méthodes peuvent aussi être utilisées dans des situations de mortalité où des espèces sont en péril, mais le choix des méthodes et du profil de risque dans ces situations peut être différent. • Nous avons étudié les méthodes au niveau de la population qui permettent d’évaluer l’équivalence entre la quantification de la mortalité du poisson découlant d’un OEA, et les hausses de productivité issues d’une compensation associée (y compris les possibles mesures de compensation pour de l’habitat). • Lorsqu’il existe des données, la méthode de « perte totale de la biomasse » est recommandée, car elle s’harmonise mieux aux considérations relatives à la « productivité » de la Loi sur les pêches. Toutes les méthodes ont des avantages et des limites, et le choix d’une approche appropriée peut dépendre du cas, en fonction de considérations comme la disponibilité des données, les modèles existants et l’objectif global de l’analyse. La prise en compte du risque en vertu de la Loi sur les espèces en péril peut nécessiter l’application de diverses méthodes. • Le calcul de l’équivalence doit reconnaître, évaluer et gérer du mieux possible toutes les sources d’incertitude, y compris l’incertitude sur la prévision des effets, l’efficacité de la compensation et les états futurs des écosystèmes aquatiques. • Les possibles décalages temporels et l’incertitude liés à la mise en œuvre et au fonctionnement d’une compensation, de même que l’incertitude relative à l’ampleur des dommages et à l’efficacité des compensations proposées, peuvent être inclus dans les calculs selon des ratios de décalages temporels et les ratios de compensation liés à l’incertitude. Les ratios de compensation dans la documentation oscillent généralement entre 1:1,5 et 1:5. • La mortalité appliquée à une plus grande proportion d’espèces dans une communauté ou un écosystème suggère une forte probabilité que les espèces du réseau présenteront un résultat négatif. En fin de compte, le résultat pour toutes les espèces dépend des effets directs et indirects dans le réseau. Une série de méthodes au niveau de la communauté http://www.isdm-gdsi.gc.ca/csas-sccs/applications/events-evenements/index-fra.asp Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 3 sont présentées; des méthodes qui doivent être utilisées dans des simulations de scénario si l’on prévoit que la mortalité affectera de nombreuses espèces de poissons. • Des modèles de communauté d’une seule espèce laissent supposer que la productivité des espèces de niveaux trophiques supérieurs tend à être affectée négativement par la mortalité agissant à un niveau trophique inférieur. Ces espèces de niveaux trophiques supérieurs sont souvent des espèces de valeur pour la pêche. • Lors de l’évaluation des effets de la mortalité du poisson sur les populations et les communautés, les facteurs suivants doivent être pris en compte : le cycle biologique des espèces, la taille et la dynamique des populations touchées, la composition de la communauté et de l’écosystème, le moment, la durée, l’échelle, l’ampleur et le mécanisme de mortalité, ainsi que les interactions avec d’autres sources de mortalité. • Les cadres de l’approche de précaution utilisés pour gérer les pêches peuvent être utilisés pour appuyer les décisions fondées sur le risque liées à la mortalité du poisson découlant des OEA, et aux mesures de compensation connexes. L’utilisation d’un cadre commun par les responsables des pêches, des poissons et des habitats des poissons permettrait de mettre à profit les données et l’information dans différentes approches décisionnelles. Les cadres de l’approche de précaution peuvent être appliqués dans des scénarios riches ou limités en données. • Un examen systématique des options et des méthodes de compensation pour les cas de mortalité du poisson a montré que la documentation actuelle sur ce sujet est plutôt limitée, mais des exemples de compensations fondées sur la création, la restauration et la mise en valeur de l’habitat ainsi que la manipulation biologique et chimique (dont l’empoissonnement) ont été utilisés dans différentes circonstances. • Toutes les méthodes de compensation examinées présentent de possibles défis et bienfaits à l’égard de leur mise en œuvre. Un avis détaillé sur ces méthodes existe quelque part. En ce qui concerne la mortalité du poisson, la création de l’habitation a été le plus souvent étudiée pour les salmonidés et portait généralement sur les stades de vie du frai/des œufs, des larves et des juvéniles. • La restauration et la mise en valeur de l’habitat sont les mesures de compensation les plus utilisées dans les cas de mortalité du poisson. Les mesures de restauration sont souvent avantageuses pour l’ensemble de la communauté de poissons, alors que les mesures de mise en valeur sont plus susceptibles de procurer des avantages à des espèces précises. La mise en valeur et la restauration de l’habitat sont surtout avantageuses aux premiers stades de vie. • L’empoissonnement et l’ajout de nutriments ont aussi été utilisés pour compenser la mortalité du poisson dans les écosystèmes d’eau douce. Bien que les deux approches présentent des difficultés inhérentes, elles peuvent être utilisées dans des circonstances particulières. L’empoissonnement peut être utile si la mortalité du poisson est directe et non liée à des sources indirectes. L’enrichissement en nutriments peut être une solution provisoire pour compenser les déficiences en nutriments et augmenter la productivité globale de l’écosystème. • La documentation étudiée indique que, peu importe la méthode utilisée, les projets de compensation ayant fait l’objet d’une évaluation avant les effets et les programmes de surveillance prolongée permettaient de mieux évaluer l’efficacité de la compensation. Voilà qui laisse présumer que les programmes de planification et de suivi de la compensation Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 4 sont importants et qu’il existe un avis détaillé pour la conception et le suivi de ces programmes. • En général, la portée des modèles et des analyses présentés dans cet avis est établie au niveau de la population, et dans des situations applicables, la portée de l’analyse peut être établie au niveau d’une sous-population ou au niveau local. INTRODUCTION La mortalité est l’un des paramètres les plus importants pour déterminer la dynamique et la productivité des populations de poissons et des pêches. Il a été démontré que la diminution de l’abondance des populations rend les populations plus vulnérables à la disparition à l’échelle locale. Cette vulnérabilité accrue s’applique aux perturbations sélectives, comme la pêche de gros individus, et aux perturbations non sélectives, comme les catastrophes. Cela ne veut pas dire que toutes les espèces ou populations sont également sensibles à la mortalité. La sensibilité d’une population à la mortalité dépend plutôt d’un certain nombre de caractéristiques, comme le cycle biologique et la taille du corps. Les facteurs naturels qui causent la mortalité du poisson sont notamment une série d’interactions avec d’autres organismes : maladies, agents pathogènes, parasites et prédateurs, ou absence de proies. Les conditions environnementales ou leur évolution peuvent aussi causer la mort si elles dépassent les tolérances physiologiques. Même si les conditions environnementales n’entraînent pas directement la mortalité, elles peuvent avoir des effets graves, mais non mortels, qui réduisent la capacité du poisson à résister à d’autres agents de stress (p. ex. la réduction de la performance de nage). Parmi les conditions environnementales qui pourraient stresser ou tuer les poissons, notons les températures (basses, hautes ou fluctuations soudaines), la turbidité, l’hypoxie et la salinité. Les changements dans les conditions environnementales peuvent être causés par des événements météorologiques (p. ex. fronts froids, fronts chauds, inondations et sécheresse), la couverture glaciaire hivernale et l’efflorescence d’algues nuisibles. La mortalité naturelle peut aussi être attribuable au stress associé aux changements de processus vitaux (p. ex. stress après la migration ou la fraie) et à la vieillesse. Bien que ces causes de mortalité soient naturelles, elles peuvent aussi être alimentées par des activités anthropiques. Même s’il existe des causes de mortalité naturelles et anthropiques, bon nombre d’ouvrages, d’entreprises ou d’activités (OEA) ayant lieu dans l’eau ou à proximité de l’eau peuvent augmenter le risque de mortalité du poisson de façon directe ou indirecte. Plusieurs de ces OEA soumettent les écosystèmes aquatiques (consulter les diagrammes de séquences des effets du MPO) à des pressions pouvant entraîner directement la mortalité du poisson ou modifier négativement l’habitat ou la santé de chaque poisson d’une manière qui le mène indirectement vers la mort. Un récent sondage sur les cas de mortalité du poisson par le Programme de protection du poisson et de son habitat (PPPH) dans plusieurs régions a révélé que la fréquence des événements de mortalité peut varier de manière générale, allant de cas discrets ou isolés à des cas occasionnels (réguliers ou imprévisibles), annuels, saisonniers, mensuels ou continus (quotidiens). Les événements de mortalité affectent normalement plusieurs espèces dans la communauté de poissons et peuvent affecter les espèces en péril, mais peu de cas de mortalité du poisson ont été compensés à ce jour. https://www.dfo-mpo.gc.ca/pnw-ppe/pathways-sequences/index-fra.html https://www.dfo-mpo.gc.ca/pnw-ppe/pathways-sequences/index-fra.html Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 5 La Loi sur les pêches interdit de tuer des poissons autrement que par la pêche : Paragraphe 34.4(1) – Il est interdit d’exploiter un ouvrage ou une entreprise ou d’exercer une activité entraînant la mort du poisson, sauf celle de la pêche. La Loi sur les espèces en péril interdit en outre de tuer des individus des espèces inscrites : Paragraphe 32(1) – Il est interdit de tuer un individu d’une espèce sauvage inscrite comme espèce disparue du pays, en voie de disparition ou menacée, de lui nuire, de le harceler, de le capturer ou de le prendre. De plus, pour les espèces inscrites, la Loi sur les espèces en péril exige que la délivrance d’un permis ou l’autorisation d’une activité qui affecte une espèce inscrite soit possible seulement si l’activité ne mettra pas en péril la survie ou le rétablissement de l’espèce [alinéa 73(3)c)]. Pour réussir à protéger et à converser le poisson et son habitat, il faut gérer les OEA qui affectent la mortalité du poisson. Pour ce faire, le PPPH doit obtenir un avis scientifique sur les approches existantes permettant de quantifier les effets de la mortalité du poisson et les mesures de compensation connexes, les facteurs qui déterminent les conséquences de la mortalité du poisson et les options pour compenser cette mortalité. Ce document vise à fournir de l’information en appui aux réponses aux questions suivantes : 1. Quelles approches peuvent être utilisées pour quantifier les effets de la mortalité résiduelle liée aux OEA et aux exigences de compensation connexes? a. Quels sont les avantages et les limites des différentes approches? 2. Qu’est-ce qui détermine les réactions d’une population ou d’une communauté de poissons locale à la mortalité résiduelle liée aux OEA? a. Les effets sur les populations ou les communautés de poissons locales changent-ils en ce qui concerne le moment et la fréquence de la mortalité du poisson? b. Quels critères doivent être pris en compte pour quantifier ou décrire les effets de la mortalité résiduelle liée aux OEA? 3. Quelles pratiques nationales et internationales sont en place pour compenser les effets de la mortalité résiduelle liée aux OEA? a. Quelles sont les options pour compenser la mortalité résiduelle liée aux OEA? b. Quelle est l’efficacité des options de compensation disponibles? c. Quels sont les motifs justifiant le choix de certaines options de compensation? L’avis scientifique fourni dans ce document suppose que les mesures d’évitement et d’atténuation de la hiérarchie d’atténuation (consulter MPO 2019a) ont été appliquées et qu’il faut gérer la mortalité résiduelle. Bien que l’on s’attende à ce que les renseignements fournis soient le plus souvent utilisés durant le processus d’autorisation de la Loi sur les pêches, certains sujets abordés seront pertinents pour la gestion des accidents ainsi que le suivi et l’évaluation de l’efficacité des mesures de compensation pour les effets de la mortalité du poisson. La mortalité directe (causée par un OEA pouvant survenir immédiatement ou après un délai) et la mortalité indirecte (un OEA prédisposant le poisson à une autre source de mortalité, comme l’augmentation de la prédation) peuvent faire partie de la mortalité résiduelle à gérer. Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 6 ANALYSE Quantifier les pertes et les gains La mort du poisson causée par un OEA touche généralement et simultanément plusieurs espèces et stades de vie. Or, la mort d’un poisson (p. ex. une larve) peut ne pas être équivalente à celle d’un autre poisson (p. ex. un adulte reproducteur). L’une des complications supplémentaires est que les espèces et les stades de vie produits par une compensation à la mortalité du poisson peuvent être différents de ceux touchés, comme une compensation « non naturelle ». Il est donc nécessaire de quantifier les pertes attribuables à un événement de mortalité en unités qui valorisent adéquatement les stades de vie et permettent une comparaison directe avec la compensation mise en œuvre. Divers paramètres ont été utilisés pour quantifier les événements de mortalité du poisson. Ces paramètres tentent de fournir des mesures de compensation « hors-type » qui associent les pertes entre les espèces et les stades de vie et qui permettent de faire une comparaison directe entre la mortalité et la compensation. Les paramètres varient selon la caractéristique de la population utilisée pour égaler la valeur des pertes et des gains par rapport à la mesure de compensation proposée. Les caractéristiques de la population choisies, et donc, le paramètre d’équivalence, doivent refléter des objectifs de gestion précis. En général, lorsque de nombreuses espèces sont touchées, les paramètres sont appliqués à chaque espèce, puis additionnés. Un résumé des différents paramètres et des avantages et limites de chacun sont mis en évidence au tableau 1. On peut effectuer la comparaison directe des paramètres en examinant de quelle façon chaque paramètre valorise un poisson de différents groupes d’âge (figure 1). La méthode de calcul accorde une valeur égale à chaque groupe d’âge et n’est pas un paramètre approprié lorsque différents groupes d’âge sont exposés à la mortalité. La biomasse et les âges équivalents sont fortement pondérés vers des groupes plus âgés et sous-estiment sans doute les jeunes poissons. Le potentiel reproductif et le manque à produire valorisent les groupes d’âge moyen qui sont probablement les plus sous-estimés des groupes plus âgés où il y a la plus grosse perte de biomasse sur pied. La perte totale de la biomasse accorde également le plus de valeur aux groupes plus âgés, mais encore bien plus aux groupes plus jeunes que la biomasse ou les âges équivalents. Le paramètre d’équivalence préconisé est la perte totale de biomasse, car il fournit l’estimation la plus complète de la perte à un écosystème et valorise plus exactement les groupes d’âge individuels. L’incertitude est inhérente au calcul et à l’application d’un plan de compensation. Il existe une incertitude dans la mesure initiale de l’étendue des dommages environnementaux et dans la mesure ou le calcul des paramètres d’équivalence. De plus, il existe une incertitude quant à l’efficacité de la mesure de compensation proposée. Les délais dans la mise en œuvre et la fonctionnalité de la mesure de compensation peuvent aussi entraîner une inégalité entre le dommage et la mesure de compensation. Il faut donc tenir compte de ces incertitudes dans les calculs d’équivalence et dans l’établissement de la portée et du type de mesure de compensation nécessaire pour atteindre l’équivalence des pertes de poissons. Les délais font référence aux délais dans la mise en œuvre des mesures de compensation ou lorsqu’il faut laisser du temps à une mesure de compensation pour qu’elle devienne entièrement fonctionnelle et efficace. Ces délais peuvent être intégrés en tenant compte des effets et du calendrier des mesures de compensation d’un projet particulier. Les délais exigent de choisir un horizon temporel qui représente la durée pendant laquelle les effets d’un effet et de la mesure de compensation seront mesurés, et l’application de l’actualisation qui pondère les pertes antérieures et futures de manière à les rendre comparables. Les décalages temporels sont pris Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 7 en compte dans le calcul du ratio de compensation du décalage temporel (CRtl), soit le multiplicateur (augmentation de la taille de la compensation) nécessaire pour tenir compte du décalage temporel de sorte que la valeur de la répercussion et de la compensation soit égale dans l’horizon temporel. Les incertitudes sont également souvent prises en compte avec les ratios de compensation (CRu); cela dit, elles sont plus difficiles à estimer. Les simulations de Monte Carlo peuvent être utilisées pour estimer les CRu. Il faut toutefois connaître la valeur moyenne prévue de l’ampleur de l’effet et de la mesure de compensation proposée, et leurs incertitudes (écarts). Le ratio de ces distributions génère une distribution de fréquences des ratios de compensation potentiels. Un seuil d’équivalence est alors choisi pour représenter un centile de cette distribution. Le seuil d’équivalence représente la possibilité que cette mesure de compensation ne compense pas adéquatement les effets possibles. Un seuil d’équivalence proche de 1 indique un risque moindre, mais demande un plus grand ratio de compensation. Le calcul intégral de la compensation de la mortalité du poisson exige de choisir et de calculer un paramètre d’équivalence (pour obtenir la valeur d’équivalence), de déterminer l’effet et le calendrier de la compensation sur l’horizon temporel approprié, de quantifier le multiplicateur de décalage temporel (CRtl) et de choisir un multiplicateur d’incertitude (CRu) pour tenir compte des incertitudes. La taille de la compensation requise est alors calculée comme suit : 𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇 𝑑𝑑𝑇𝑇 𝑇𝑇𝑇𝑇 𝑐𝑐𝑐𝑐𝑐𝑐𝑐𝑐𝑇𝑇𝑐𝑐𝑐𝑐𝑇𝑇𝑡𝑡𝑇𝑇𝑐𝑐𝑐𝑐 = 𝑉𝑉𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑉𝑉𝑉𝑉 𝑑𝑑′é𝑞𝑞𝑉𝑉𝑇𝑇𝑞𝑞𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑇𝑐𝑐𝑐𝑐𝑇𝑇 × 𝐶𝐶𝐶𝐶𝑡𝑡𝑡𝑡 × 𝐶𝐶𝐶𝐶𝑢𝑢. (1). Tableau 1. Avantages et désavantages de divers paramètres communes pour quantifier la mortalité du poisson. Paramètre Avantages Inconvénients Dénombrement • Simple • Équivalence : nombre de poissons • Ne tient pas compte de la « valeur » des différents stades biologiques • Ne tient pas compte de la perte de production future Biomasse • Simple • Lien avec la production • Équivalence : stock actuel • Ne tient pas compte de la perte de production future • Difficile d’établir un lien avec la mesure de compensation Âges équivalents • Établit une équivalence entre les pertes de différentes classes d’âge • Mesurable en dénombrement ou en biomasse • Facilement comparable à la compensation par empoissonnement • Équivalence : structure par âge • Ne donne pas de crédit au promoteur pour la production future quand l’âge du poisson est supérieur à l’âge d’équivalence • Difficilement comparable à la compensation par création d’habitat Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 8 Paramètre Avantages Inconvénients Potentiel reproductif • Peut être converti en âge d’équivalence -1 (AE-1). • Équivalence : production d’œufs • Parfois difficile de mesurer la compensation comme étant la production d’œufs • Nécessite des valeurs de fécondité • Ne donne pas de crédit au promoteur pour la production future quand l’âge du poisson est supérieur à l’âge d’équivalence • Difficilement comparable à la compensation par création d’habitat Manque à produire • Comparable à la compensation liée à l’habitat ou à l’empoissonnement • Accorde au promoteur des crédits selon la production future associée à la mesure de compensation • Équivalence : production de biomasse à vie • Ne tient pas compte de la perte directe de biomasse attribuable à la mortalité • Ne tient pas compte de la perte de production issue de la reproduction Indice de productivité de l’habitat • Nécessite peu de données sur le cycle biologique de chaque espèce • Équivalence : production annuelle de biomasse • Le ratio production/biomasse (P/B) est souvent inconnu et peut nécessiter le recours à une estimation allométrique. • Ne fournit pas nécessairement des estimations précises par espèce Biomasse perdue totale • Tient compte de la perte directe de biomasse et du manque à produire futur • Équivalence : productions du stock actuel et biomasse à vie (production actuelle et future) • Ne tient pas compte de la perte de production issue de la reproduction Modèles de population • Utilisables aux fins d’estimation des effets à long terme des dommages • Il existe un modèle pour de nombreuses espèces • Nécessitent des données détaillées sur le cycle biologique de chaque espèce • Nécessitent des estimations des dommages sous forme de taux Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 9 Paramètre Avantages Inconvénients • Élaboration plus difficile et plus longue Figure 2. La quantité de poissons individuels de chaque groupe d’âge contribue à l’estimation totale du paramètre d’équivalence pour toutes les espèces dans l’exemple hypothétique de placage et d’entraînement du gaspareau (Alosa pseudoharengus), de l’alose noyer (Dorosoma cepedianum) et du meunier noir (Catostomus commersonii). Représentatif de la manière dont les paramètres valorisent un poisson individuel dans chaque groupe d’âge. Les unités diffèrent selon les graphiques et sont indiquées entre parenthèses dans le texte de la bande. Évaluer les effets sur les communautés Les effets projetés découlant des activités humaines sur les populations peuvent souvent être incomplets, car les dommages à une seule espèce peuvent affecter des communautés entières, parfois avec des résultats contre-intuitifs attribuables aux effets indirects (p. ex. lorsqu’une espèce a un effet sur une autre espèce au moyen d’un intermédiaire) et des boucles de rétroaction (p. ex. lorsque les résultats d’un changement de communauté sont réacheminés vers les composants d’un système comme éléments de causalité). La compréhension des réactions à la mortalité du poisson au niveau d’une communauté et leur intégration dans les décisions constitue un problème pour la science et la gestion de l’habitat du poisson d’eau douce. Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 10 Les modèles de communautés sont un outil essentiel pour bien comprendre la mortalité du poisson au niveau de la communauté. Afin d’approfondir les connaissances sur l’utilisation de modèles de communautés pour les problèmes de mortalité du poisson, plusieurs techniques de modélisation populaires sont étudiées, alors que leurs forces et leurs limites font l’objet de discussions. Le tableau 2 présente un résumé des modèles étudiés. Il est important de se rappeler que tous les modèles sont des abstractions des écosystèmes et que les différents modèles s’adapteront différemment selon leur application aux différents problèmes. Par exemple, la disponibilité des données et la difficulté de mise en œuvre sont des facteurs importants lors du choix des modèles de communauté les plus appropriés. Le fait d’acquérir des connaissances par rapport à certaines approches de modélisation courantes peut aider à déterminer l’information scientifique qu’elles peuvent fournir et, par conséquent, celles qui sont les plus utiles pour éclairer le problème précis de mortalité du poisson. Pour illustrer comment nous pourrions aborder l’étude de la mortalité du poisson liée à l’OEA au niveau de la communauté, un modèle de réseau qualitatif a été utilisé pour un certain nombre de communautés d’une seule espèce qui diffèrent par la force et le modèle de leurs liens pour rechercher des principes généraux dans le but d’éclairer la prise de décisions. La simplicité du modèle de réseau qualitatif en fait un outil pratique pour évaluer les risques et simuler des scénarios même quand les données sont limitées, un facteur important et la situation type pour de nombreuses applications liées aux poissons d’eau douce. Les résultats ont montré qu’à mesure que les réseaux communautaires s’élargissent et se compliquent, il devient plus difficile de prédire les résultats des dommages. Les effets de la mortalité devenaient de plus en plus incertains lorsque les omnivores (des espèces qui se nourrissent à plusieurs niveaux trophiques) ont été intégrés à la communauté. Les dommages s’appliquant à une plus forte proportion de la communauté augmentent les risques d’obtenir des résultats négatifs pour chaque espèce du réseau (figure 2). Enfin, les plus grands prédateurs d’un réseau ont tendance à être touchés négativement lorsque les dommages sont appliqués à des espèces trophiques inférieures dans la communauté. Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 11 Tableau 2. Une comparaison de plusieurs modèles de communauté qui pourraient être utiles pour étudier les scénarios de mortalité du poisson liés à l’OEA. Méthode de modélisation Description Exigences en matière de données Indicateur principal Difficulté d’application Pertinence des résultats Modèle de réseau qualitatif ● Un réseau de variables et d’interactions où la force des interactions est simulée pour générer des prédictions qualitatives quant à la direction de la réaction. ● Direction et signe d’interaction entre les variables. ● La probabilité d’augmentation et de diminution d’une variable ou d’une population. ● Facile, ne demande que des compétences de base en programmation. ● Progiciel QPress de R. ● Utile pour les simulations de scénarios et pour indiquer les interactions qui ont la plus grande influence dans le système. Réseau de croyance bayésien ● Un réseau de variables et de séquences d’influence où les séquences sont paramétrées à l’aide de probabilités conditionnelles. ● Plage de valeurs possible pour chaque variable. ● Séquences d’influence entre les variables exprimées en termes de probabilités conditionnelles. ● La probabilité de chaque état de résultat pour une variable de réaction. ● Facile, ne demande que des compétences de base en programmation. ● Progiciel bnlearn de R. ● Divers logiciels commerciaux (p. ex. Netica). ● Évaluation des risques pour les décisions de gestion. Modèle de spectres de tailles ● Le spectre de tailles représente l’abondance ou la biomasse des organismes en tant que fonction de leur taille. ● Biomasse (ou abondance) et taille du corps (p. ex. poids) de toutes les espèces dans un réseau trophique. ● Pente ou élévation du spectre de tailles. ● Demande des compétences en analyse et en programmation. ● Outil de diagnostic. Modèle de spectres de tailles dynamiques multispécifique (p. ex. Mizer) ● Un modèle écologique de spectre de tailles dynamique de la communauté aquatique dans son ensemble. ● Estimations de base de la taille, de la reproduction et des préférences alimentaires. ● Biomasse des espèces ou groupes fonctionnels. ● Nécessite des compétences en programmation. • Progiciel mizer de R. ● Prédiction des résultats possibles provenant d’autres scénarios. Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 12 Méthode de modélisation Description Exigences en matière de données Indicateur principal Difficulté d’application Pertinence des résultats Modèle réaliste minimal (p. ex. APVM) ● Modèle qui met l’accent sur un certain groupe d’espèces susceptibles d’avoir des interactions importantes avec les espèces d’intérêt. ● Se penche sur les paramètres et l’estimation de l’incertitude. ● Estimations des données chronologiques de la biomasse, captures de poissons. ● Données sur la composition de l’âge et de la taille. ● Estimations de la biomasse par intervalles de confiance. ● Modéré à difficile, absence d’un cadre général et adaptation du modèle nécessaire pour répondre à des questions précises. ● Donner des conseils sur la gestion tactique des pêches (p. ex. total autorisé des captures). Modèle d’écosystème complet (p. ex. Ecopath avec Ecosim, modélisation linéaire inverse, ATLANTIS) ● Modèle qui tente de tenir compte de tous les niveaux trophiques de l’écosystème ● Les interactions entre les proies et les prédateurs sont souvent modélisées à l’aide des équations de Lotka-Volterra. ● Estimations des données chronologiques de la biomasse, paramètres du cycle biologique, relations de recrutement d’empoissonnemen t, mortalité totale, composition de l’alimentation, captures de poissons. ● Estimations de l’empoissonneme nt et des captures dans divers scénarios. ● Très difficile si on tente de le créer à partir de rien. ● Modéré si un logiciel préfabriqué est utilisé avec un soutien (p. ex. Ecopath avec Ecosim) . ● Évaluation de l’empoissonnemen t. ● Enquête par scénario. ● Élaboration de théorie. Modèle individualisé (p. ex. OSMOSE) ● Modèle qui simule le comportement de chaque individu d’une espèce. ● Paramètres du cycle biologique (p. ex. croissance, survie, reproduction, migration) de chaque espèce. ● Règles comportementales ● Divers indicateurs écologiques (p. ex. structure de taille, biomasse, indices sur la diversité) peuvent être calculés en regroupant les ● Difficile, demande des compétences avancées en programmation ● Plateformes générales (p. ex. NetLogo, MASON) ● Progiciel OSMOSE de R ● Contribution pour la gestion spatiale. ● Analyse des propriétés émergentes (p. ex. relation de recrutement d’empoissonneme Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 13 Méthode de modélisation Description Exigences en matière de données Indicateur principal Difficulté d’application Pertinence des résultats pour les interactions avec les agents. ● Données spatiales du système à modéliser et données sur la répartition des espèces dans le système. données à différents niveaux. nt, sélectivité du prédateur). Modèle bioénergétique multispécifique ● Modèle qui utilise l’énergie comme mesure de compensation « hors- type » pour décrire la biomasse des espèces et la façon dont elle est transférée entre ces espèces par des équations différentielles. ● Données chronologiques de la biomasse, de la mortalité et des captures de poissons. ● Cycle biologique et paramètres allométriques. ● Renseignements sur l’alimentation. ● Biomasse des populations. ● Difficile, demande des compétences avancées en programmation ● Progiciels préfabriqués insuffisants. ● Simulation de scénarios. Modèle d’équation structurelle ● Un modèle d’équation structurelle est une approche qui utilise les corrélations observées afin d’évaluer les relations de causalité complexes. On le décrit comme une prolongation de l’analyse causale. ● Le modèle d’équation structurelle est adapté à un ensemble de données d’observation à grande échelle au sein d’une population ou d’une communauté. ● Il est normalement utilisé pour tester et comparer des modèles hypothétiques a priori. Également utilisé dans l’analyse exploratoire. ● Un certain nombre d’options de logiciel (p. ex. LISREL) et de progiciels de R sont disponibles (p. ex. OpenMx et lavaan). ● Utile pour déterminer les séquences directes et indirectes dans une structure qui lie les composants de l’écosystème. ● Intégrer des variables « latentes ». https://en.wikipedia.org/wiki/LISREL https://en.wikipedia.org/wiki/OpenMx Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 14 Figure 3. Le pourcentage de résultats négatifs en réponse aux perturbations en tant que fonction de la proportion des nœuds perturbés. Chaque point représente la proportion de résultats négatifs enregistrés pour un nœud individuel dans un réseau particulier parmi 10 000 simulations. Les résultats sont divisés en trois groupes selon le niveau trophique du nœud de réponse : Supérieur (bleu), milieu (orange) et inférieur (vert). Les trois lignes de couleurs sont des courbes lisses loess qui correspondent à leur niveau trophique, alors que la ligne noire représente la courbe de toutes les données. On a ajouté un bruitage des données sur l’axe des x pour réduire la superposition des données. Conséquences de la mortalité du poisson et considérations pour les décisions liées à la mort du poisson La réaction des populations ou des écosystèmes à la mortalité du poisson dépend de plusieurs conditions biologiques et écologiques. L’étude des facteurs décrits ci-dessous permettrait d’éclairer les décisions relatives à l’autorisation de la mort du poisson en vertu de la Loi sur les pêches et à l’application d’une démarche fondée sur les risques pour mettre en œuvre les dispositions visant à protéger le poisson et son habitat (MPO 2019b). Ces facteurs peuvent aussi contribuer aux considérations relatives à l’efficacité des plans de compensation, car le moment et les modèles de réaction à la mortalité du poisson influenceront la façon dont les mesures de compensation soutiennent la population et le rétablissement de l’écosystème. Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 15 Les facteurs suivants doivent être pris en compte lors des décisions relatives à l’autorisation de la mort du poisson en vertu de la Loi sur les pêches : Le taux de mortalité du poisson, avec des taux supérieurs de mortalité qui sont susceptibles d’avoir des effets négatifs sur les populations et les écosystèmes (voir la section « Quantifier les pertes et les gains » ci-dessus). Fait important, certains mécanismes de mortalité peuvent compliquer la quantification de la mortalité et augmenter l’incertitude liée aux effets sur les populations et les écosystèmes. La taille et la trajectoire des populations de poissons, avec des populations plus petites et en déclin qui sont plus susceptibles d’être affectées négativement par une hausse de la mortalité. Le cycle biologique des populations de poissons, avec les espèces à longue durée de vie qui sont généralement plus affectées par la mortalité des adultes, tandis que les espèces à courte durée de vie sont généralement plus affectées par la mortalité à des stades de vie précoces. La durée et le moment de la mortalité, où la sensibilité à la mortalité et ses effets diffèrent selon le cycle biologique du poisson et les changements de comportement dans le cycle quotidien ou annuel. De plus, les populations seront plus sensibles à la mortalité si elle survient après et non avant des événements de cycle biologique dépendants de la densité, même si le moment pendant lequel se manifestent de tels événements demeure inconnu pour de nombreuses espèces. Les interactions avec d’autres sources de mortalité, avec les effets cumulatifs de plusieurs agents de stress qui mènent parfois à un taux de mortalité total supérieur à la somme des effets de la mortalité sur les individus (p. ex. interactions des agents de stress « synergiques »). Les répercussions sur l’écosystème où la mortalité qui agit sur plusieurs espèces est susceptible d’avoir des effets plus graves sur l’écosystème que la mortalité d’une seule espèce. Les objectifs de gestion, y compris l’acceptation sociale de la mortalité du poisson et les effets de la mortalité du poisson sur les pêches, les espèces en péril et les objectifs de gestion des autres détenteurs de droits et autorités. La mortalité du poisson peut causer des baisses dans les populations de poissons et des dommages aux écosystèmes, si le taux de mortalité ou la sensibilité de la population ou de l’écosystème est sous-estimé. De tels dommages peuvent causer divers résultats négatifs, dont des effets négatifs sur les pêches, la modification du fonctionnement et de la résilience de l’écosystème et une perte de services de l’écosystème. Une approche de précaution fondée sur les risques pour la gestion pourrait aider à comprendre la probabilité d’effondrement de la population et de dommages à l’écosystème provenant d’une mortalité supplémentaire (liée à un OEA). Une telle approche pourrait être adaptée à partir des outils utilisés pour gérer la récolte de poissons. Les cadres de gestion de la mortalité liée à la récolte sont bien élaborés et, dans plusieurs cas, sont aussi normalisés à l’échelle internationale. Ils pourraient donc fournir une excellente base scientifique et politique pour que le MPO gère la mortalité liée à un OEA. Par exemple, une adaptation de l’approche de précaution pour la gestion des pêches du Conseil international pour l’Exploration de la Mer (CIEM 1998, 2002) pourrait être utilisée pour éclairer les décisions relatives à la mortalité liée à un OEA (figure 3). Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 16 Figure 4. Une adaptation de l’approche de précaution du CIEM pour appuyer la prise de décisions concernant la mortalité résiduelle liée à un OEA qui illustre les quatre points de référence clés : la limite de la biomasse de la population de fraie (Blim), la biomasse de précaution de la population de fraie (Bpa), la limite du niveau de mortalité (Mlim) et le niveau de mortalité de précaution (Mpa). La coloration de l’arrière-plan de la figure montre le risque relatif de déclin de la population et de dommages à l’écosystème, le rouge indiquant un risque accru et le vert indiquant un risque moindre. En bref, le cadre est défini par l’emplacement des quatre valeurs de référence (la limite de la biomasse de la population de fraie [Blim], la biomasse de précaution de la population de fraie [Bpa], la limite du niveau de mortalité [Mlim] et le niveau de mortalité de précaution [Mpa]) sur les deux principaux axes, avec le taux de mortalité anthropique totale instantanée, dont la mortalité du poisson (F) et la mortalité anthropique (A) sur l’axe vertical, ainsi que la biomasse (état) de la population sur l’axe horizontal. Sur le plan conceptuel, les valeurs Blim et Mlim représentent les niveaux de dégradation de la population et le taux de mortalité, qui, s’il est dépassé, présenterait une forte probabilité de déclin de la population et de dommages à l’écosystème. Ces valeurs sont donc établies en fonction de la dynamique de la population des espèces. Les valeurs de précaution (Bpa et Mpa) représentent le seuil de mortalité et l’état de la population qui garantiraient une forte probabilité de maintien de la santé de la population, après avoir tenu compte de l’incertitude dans l’estimation du taux de mortalité réel et de l’état de la population. Lorsque l’incertitude est liée à l’état réel de la population, ou si le taux de mortalité ou son effet sont élevés, les limites de précaution doivent être définies au-delà des valeurs Blim et Mlim. À l’inverse, lorsque l’incertitude est faible, les limites de précaution peuvent être définies à une valeur plus près des valeurs Blim et Mlim. Dans un contexte où l’on utilise l’outil d’aide à la décision relative à la mortalité liée à un OEA, ce cadre nécessiterait ensuite l’estimation de l’état de l’empoissonnement et du taux de mortalité anthropique totale instantanée, avec et sans l’inclusion de la mortalité résiduelle liée à un OEA, et les mesures de compensation proposées. Dans les cas où un OEA cause un événement de mortalité unique, l’emplacement initial de la population dans le cadre migrerait Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 17 vers la gauche, car cet événement de mortalité diminuerait l’état de l’empoissonnement. Lorsqu’un OEA entraîne une mortalité continue pour une population, il diminuerait alors l’état de l’empoissonnement et augmenterait le taux de mortalité anthropique total, indiqué par une migration dans l’espace supérieur gauche du cadre. Les mesures de compensation feraient généralement migrer la population vers la droite du cadre en améliorant son état sans affecter le taux de mortalité. La position estimée de la population serait ensuite comparée à la coloration de l’arrière-plan du cadre afin de déterminer le niveau de risque de dommages graves à la population (rouge = risque élevé d’effondrement de la population et de dommages à l’écosystème, vert = faible risque d’effondrement de la population et de dommages à l’écosystème). La détermination de la taille, de la dynamique et des effets de la mortalité sur une population dépend de la portée de la population à l’étude. Dans de nombreux systèmes aquatiques, notamment dans les grands plans d’eau (p. ex. les Grands Lacs de la région laurentienne), les poissons ont une répartition inégale qui correspond à la répartition hétérogène des caractéristiques de l’habitat. Selon leur taille, les groupes d’individus (d’une même espèce) qui sont séparés dans l’espace des autres groupes peuvent être décrits comme une population locale (ou « sous-population ») au sein d’une plus grande métapopulation. Cela dit, il n’existe aucun critère scientifique précis permettant de définir une « population locale » pour tenir compte des effets de la mortalité. Il faudrait plutôt déterminer la portée de la population pour évaluer les effets de la mortalité du poisson en fonction des objectifs de gestion. Par exemple, si l’objectif de gestion consiste à maintenir la présence et l’abondance d’une espèce dans chaque baie d’un plus grand lac, il faudrait alors étudier les effets par rapport à la taille et la trajectoire de la population dans la baie concernée. En outre, bien qu’une mortalité locale peut être relativement moins importante lors de la définition des objectifs de gestion sur de plus grandes échelles spatiales, il est important de comprendre que le nombre d’agents de stress qui agissent sur des populations plus vastes risque d’augmenter. Il est donc plus important d’étudier les effets cumulatifs et les effets des interactions entre les différentes sources de mortalité lorsque les populations sont définies dans de plus grandes échelles spatiales. Compenser la mortalité Portée de l’examen et limites potentielles Un examen systématique et une méta-analyse ont été utilisés pour décrire les pratiques de compensation actuelles à l’égard de la mortalité du poisson en divisant les approches en trois principales catégories : création de l’habitat, restauration de l’habitat, et manipulation biologique et chimique. La portée de l’évaluation couvre l’analyse de plus de 200 000 sites et trois bases de données scientifiques. L’avis est basé sur 98 documents extraits (30 ayant des données utilisables) validés au moyen d’une évaluation critique fondée sur un modèle d’étude « avant/après, témoin/effet », la partialité de l’évaluation et les échelles temporelle et spatiale. Les études ont été biaisées vers des salmonidés (environ 66 %) et la densité était le paramètre d’évaluation le plus courant (environ 50 %). Environ 25 % des études présentaient moins de trois sites de compensation qui pouvaient être considérés comme des répliques de « traitement » comparables aux sites de référence. Les études portant sur les compensations pour des communautés entières avaient un faible niveau de preuves (n = 6) et les compensations pour les espèces de poissons de petite taille étaient rares (n = 1). L’enrichissement structurel par le placement de gros débris ligneux, d’embâcles de billes de bois, de barrages rocheux et de substrats a tendance à présenter un grand nombre de « traitements » par compensation, mais était moins représenté dans les études contrairement Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 18 au retrait de barrage, à l’empoissonnement et à la création d’habitats, qui, en raison de leur nature même, sont difficiles à reproduire dans un sens expérimental. Création d’habitats La création d’habitats fait référence à la pratique consistant à créer un tout nouvel habitat pour compenser la mortalité du poisson en augmentant la productivité, l’abondance, la densité et la survie du poisson dans ce nouvel habitat qui, par le fait même, offre de nombreux avantages à l’écosystème. Les projets évalués qui recouraient à la création d’habitats pour compenser la mortalité du poisson ont utilisé la construction à l’extérieur du chenal pour offrir un habitat aux composants essentiels du cycle biologique, surtout pour les salmonidés. L’habitat à l’extérieur du chenal peut prendre la forme de faux-chenaux, de mares vaseuses, d’étangs, de plaines inondables et de milieux humides (tableau 3). La création d’habitats est souvent adoptée pour les salmonidés et offre des avantages à long terme à la fois pour l’habitat et la population. Ainsi, la création d’habitats peut être appropriée pour compenser les événements de mortalité qui surviennent à plus long terme ou qui se rapportent aux effets néfastes pour l’habitat, en plus de la mortalité résiduelle (p. ex. mortalité larvaire par la réduction de l’écoulement et l’accumulation de sédiments pendant la saison de la fraie). Restauration de l’habitat Les projets de mise en valeur et de restauration de l’habitat utilisés pour compenser la mortalité du poisson peuvent être divisés en catégories distinctes selon leurs objectifs : la structure, le couvert, la connectivité, le substrat et la restauration riveraine. L’ajout de la structure et du couvert aux écosystèmes aquatiques existants peut prendre plusieurs formes, comme la création d’un couvert riverain, la construction de barrages rocheux, l’ajout de fosses et de rapides et l’introduction de gros débris ligneux. L’ajout d’une structure et d’un couvert peut être rentable, surtout dans les cas où les effets sont plus faibles ou lorsque les systèmes urbanisés n’offrent pas l’espace nécessaire pour la création d’habitats. Les avantages sont documentés et appuyés par la littérature actuelle (tableau 3). Les mesures de restauration et de mise en valeur peuvent être classées dans toutes les catégories spatiale et temporelle. Par exemple, dans la plupart des cas, la restauration de la connectivité est avantageuse pour une communauté entière de poissons sur une période relativement longue, tandis que l’ajout de gravier pour la fraie cible souvent une seule espèce de salmonidés et se détériore au fil du temps par manque d’entretien. Manipulation biologique et chimique La manipulation biologique et chimique des habitats et des écosystèmes est courante pour améliorer la productivité des systèmes pauvres en nutriments ou contrôler les apports en nutriments et l’eutrophisation (p. ex. efflorescence d’algues). Il s’agit également de la pratique visant à augmenter l’abondance de poissons par l’empoissonnement, la réintroduction et le transfert de poissons. La manipulation biologique et chimique couvre un grand nombre d’aspects allant du simple ajout de spécimens physiques à l’influence de niveaux trophiques précis ou de l’ensemble du réseau trophique par des nutriments (tableau 3). Ratios de compensation les plus courants et durée des avantages Les ratios de compensation qui permettent de comparer les effets et les compensations varient selon trois grands types de compensations. Des projets évalués intégrant la création d’habitats ont appliqué le ratio moyen de 1:5,7 pour la création de faux-chenaux et de 1:5,4 pour la création d’un étang à l’extérieur du chenal et d’une plaine inondable. Les avantages précoces se produisent généralement au moins un an après la construction. Les projets de restauration Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 19 riveraine avaient un ratio de compensation moyen de 1:1,2. Des ratios de 1:1,6 et 1:2,1 étaient souvent appliqués pour l’ajout de structure et de substrat. Un ratio de 1:4,6 était utilisé pour l’augmentation ou le rétablissement de la connectivité, mais variait grandement selon la grosseur de l’habitat connecté ou reconnecté. Les avantages de la restauration ont d’abord été constatés dès les premiers mois, mais se produisent généralement un an après la construction. Aucun ratio n’a été couramment appliqué pour la manipulation et l’ajout de nutriments, mais celui utilisé pour l’empoissonnement était de 1:3,1. L’empoissonnement a été utilisé comme mesure de remplacement efficace pour la perte de poissons ou les dommages causés à ceux-ci, étant donné la stabilité et l’absence de modification à l’écosystème et l’absence de goulots d’étranglement. L’empoissonnement ne peut pas être considéré comme une technique de compensation viable appropriée pour toutes les populations étant donné les risques posés aux populations sauvages. Les poissons d’écloserie ont tendance à présenter des taux de survie moindre que les poissons sauvages et sont plus vulnérables aux sources de dommages et de mortalité (p. ex. placage). Les effets de l’empoissonnement et de l’enrichissement permettent d’avoir des avantages dans des délais courts ou immédiats (de trois mois à un an), mais une surveillance, une gestion et des ajustements fréquents à plus long terme sont nécessaires pour garantir ces avantages et réduire les effets négatifs. Les ratios pour les trois catégories de compensation générales coïncident avec les considérations couramment acceptées en matière d’incertitude et de décalage temporel. Évaluation et surveillance préalables aux répercussions en vue de la réussite des compensations et des conséquences imprévues Les délais d’évaluation et de surveillance préalables aux effets jouent un rôle essentiel dans la réussite des compensations. Les résultats provenant de la revue de la littérature semblent indiquer que la durée de la surveillance peut être liée à la réussite d’une compensation. Un délai minimal de quatre ans, incluant l’évaluation préalable, est lié à l’augmentation significative de la réussite d’un projet. Les projets ayant des études d’évaluation préalable présentent aussi de meilleurs ratios de réussite par rapport aux projets sans évaluation préalable aux effets appropriée. Les stratégies de planification des compensations pour la mortalité résiduelle, comme celles liées à la détérioration, la destruction et la perturbation de l’habitat, devraient inclure l’évaluation des effets indésirables potentiels et imprévus. Il faut aussi tenir compte de la nature autosuffisante des compensations de l’habitat dans le processus de planification. La plupart des compensations majeures nécessitent un entretien pour respecter l’exigence de pérennité de leurs avantages. L’entretien et la gestion adaptative à long terme sont nécessaires pour compenser et rectifier les effets indésirables et imprévus. La surveillance à long terme permettra de réduire davantage les biais potentiels des fluctuations annuelles et facilitera le processus décisionnel, tout en aidant à rectifier les avantages des compensations et les cibles (p. ex. nombre d’habitats et d’empoissonnements). Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 20 Tableau 3. Types de compensations utilisées en cas de mortalité du poisson dans les écosystèmes aquatiques. Les résultats et les classifications sont basés sur la revue de la littérature et une méta-analyse. Genre Sous-type Mesure Avantages et objectifs connexes Création d’habitat Création d’habitat à l’extérieur du chenal Création de faux-chenaux Fourniture d’un habitat de fraie, fourniture d’un habitat de grossissement, aire de concentration hivernale Création d’un étang servant d’aire de concentration hivernale Restauration et mise en valeur de l’habitat Restauration Restauration (riveraine), rétablissement Création d’une zone tampon, réduction des répercussions environnementales, disponibilité de la nourriture, couplage de l’habitat Structure et couvert Consolidation des berges Fourniture d’un habitat dans un cours d’eau (abris ou refuge, disponibilité de la nourriture), régime d’écoulement, diversité de l’écoulement Hétérogénéité riveraine Gros débris ligneux et embâcles de billes de bois Barrages rocheux Fosses et rapides Connectivité Retrait de barrage Connexion latérale et longitudinale de l’habitat, couloir de migration, transport et échange de nutriments et de sédiments, régime d’écoulement Amélioration des passes migratoires Reconnexion dans la plaine inondable Substrat Canaux de fosses- réservoirs Fourniture d’un substrat de fraie, modifications morphologiques des chenaux, refuges thermiques, refuges climatiques Ajout de substrat Retrait de substrat Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 21 Genre Sous-type Mesure Avantages et objectifs connexes Manipulation biologique et chimique Empoissonnement Empoissonnement Ajout direct d’individus et de biomasse, augmentation potentielle de la productivité Introduction ou réintroduction Déplacement Nutriments Enrichissement en nutriments Augmentation de la productivité pour la production biotique, compensation pour la perte de nutriments par le manque de poissons anadromes ou de carcasses Sources d’incertitude Il existe trois principaux éléments d’information sur les espèces et les populations qui manquent en général pour éclairer la prise de décisions sur la mortalité du poisson : l’abondance de la population, sa trajectoire et les taux de mortalité. L’abondance de la population et sa trajectoire donnent de l’information sur l’état actuel de la population. Le risque augmente lorsque les populations sont peu abondantes ou présentent une trajectoire en déclin. Les taux de mortalité sont difficiles à mesurer dans les systèmes naturels, mais sont nécessaires pour de nombreux paramètres afin de quantifier l’équivalence de la mortalité du poisson et des compensations. Les évaluations préalables aux effets peuvent aider à obtenir des éléments d’information importants, mais pour comprendre la trajectoire de la population, il faut recueillir des données à long terme. Les paramètres décrits pour quantifier les pertes de mortalité fournissent une prévision d’ensemble des pertes de chaque espèce qui sont ensuite additionnées aux espèces affectées afin d’obtenir une estimation des pertes totales découlant d’un OEA. Bien que cela donne une prévision d’ensemble sur les effets directs, ce principe ne tient pas compte de la complexité des communautés et des écosystèmes qui pourrait avoir des effets indirects. Cela sous-entend qu’il faut adopter une approche écosystémique pour gérer la mortalité du poisson. Les approches de modélisation de la communauté et de l’écosystème décrites peuvent aider à explorer ces effets indirects potentiels, mais il n’existe aucune directive claire sur la façon de tenir compte de ces effets indirects au moment d’estimer les pertes de mortalité. La non-stationnarité des conditions environnementales (p. ex. en raison des changements climatiques) peut avoir un effet sur les conséquences de la mortalité des populations de poissons et le rendement des mesures de compensation. L’incertitude de la gestion résultant de la non-stationnarité est causée par l’incertitude (i) dans l’estimation des conditions environnementales futures mêmes et (ii) dans les relations entre le rendement de la compensation, les conséquences de la mortalité sur la population et les conditions environnementales futures. Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 22 Une variété d’agents de stress anthropiques et naturels peuvent affecter les populations de poissons d’une manière qui interagit avec la mortalité du poisson. Les agents de stress comme les pêches, d’autres OEA, les conditions environnementales extrêmes, les espèces envahissantes ou les polluants peuvent se manifester conjointement avec la mortalité résiduelle liée à un OEA et peuvent être chroniques ou aigus. Plus important encore, la mortalité résultant de plusieurs agents de stress peut être combinée et avoir des effets différents de la somme des effets de la mortalité chez les individus. La théorie prévoit que les facteurs comme le mécanisme d’action des agents de stress, le contexte écologique, et la forme de dépendance à la densité agissant au sein d’une population peuvent tous affecter la mortalité totale provenant de plusieurs agents de stress. Cela dit, il existe une faible capacité à prédire les effets de plusieurs agents de stress sur la mortalité dans la majorité des systèmes naturels. Les multiples agents de stress et les effets cumulatifs s’ajouteront alors à l’incertitude de la gestion de la mortalité du poisson. CONCLUSION ET AVIS La plupart des exemples fournis dans cet avis mettent l’accent sur les systèmes d’eau douce, mais les méthodes doivent aussi être transférables aux systèmes marins. Divers paramètres proposés pour quantifier la mortalité du poisson fournissent une équivalence pour différentes caractéristiques du cycle biologique entre l’effet de la mortalité du poisson et une compensation potentielle. Le maintien des niveaux d’empoissonnement permanents et l’assurance de la production future sont les plus conformes aux objectifs de conservation et de protection de la Loi sur les pêches et aux principes du Programme de protection du poisson et de son habitat selon lesquels les mesures de compensation devraient équilibrer les effets indésirables. La perte totale de la biomasse est donc recommandée comme paramètre d’équivalence à privilégier dans la plupart des cas. Les projections des effets de la mortalité du poisson sur les populations peuvent être incomplètes, car les dommages causés à une seule espèce peuvent affecter toute une communauté et entraîner des résultats contre-intuitifs en raison des effets indirects et des boucles de rétroaction. Les effets au niveau de la communauté peuvent être pris en compte grâce à un certain nombre d’approches de modélisation d’une communauté. Même les modèles de communautés d’une seule espèce peuvent améliorer la compréhension de la façon dont les communautés de poissons peuvent réagir aux événements de mortalité du poisson. Les décisions relatives à l’autorisation de la mort du poisson doivent tenir compte des facteurs biologiques et écologiques qui déterminent la sensibilité des populations à la mortalité. Même si les mesures de compensation tiennent pleinement compte d’une source de mortalité donnée, des dommages graves peuvent toujours se manifester au sein des populations de poissons lorsqu’il y a des différences entre le moment de la mortalité et la mise en œuvre des mesures de compensation, lorsque les populations sont très sensibles à la diminution de l’abondance ou en présence de changements dans l’écosystème qui interagissent avec la mortalité résiduelle liée à un OEA d’une manière synergique. Un cadre de précaution de gestion des pêches peut être adapté comme cadre de gestion des risques pour les décisions relatives aux effets de la mortalité du poisson et aux mesures de compensation. Compte tenu de la similarité entre les conséquences de la mortalité des pêches sur une population et les autres sources de mortalité anthropiques, et les objectifs de protection des pêches de la Loi sur les pêches et du Programme de protection du poisson et de son Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 23 habitat, l’adoption d’un cadre commun par les gestionnaires des pêches et d’habitat permettrait de tirer parti des données et des renseignements dans différents contextes décisionnels. La revue de la littérature sur les mesures de compensation de la mortalité du poisson a démontré que la création, la restauration et la mise en valeur d’habitats et la manipulation biochimique sont toutes des options réalisables pour compenser la mortalité du poisson compte tenu des mises en garde et des cadres de surveillance généraux. Ces trois types de compensations peuvent être dommageables lorsqu’un remplacement non naturel ou qu’un effet d’opposition entre espèces et communautés a lieu dans une ampleur qui perturbe ou modifie la structure de la communauté et la composition du réseau trophique. AUTRES CONSIDÉRATIONS Les effets cumulatifs et les divers agents de stress peuvent entraîner des résultats qui diffèrent de la somme des effets individuels. Les agents de stress peuvent interagir et la mortalité totale résultant de multiples agents de stress peut être affectée par des facteurs comme le mécanisme d’action, le contexte écologique et la forme de dépendance à la densité. Cependant, il existe actuellement une faible capacité à prédire les répercussions de plusieurs agents de stress sur la mortalité dans la majorité des systèmes naturels. Un processus récent du Secrétariat canadien des avis scientifiques (SCAS) a été mené pour fournir un avis scientifique visant à évaluer les effets cumulatifs (voir les mises à jour sur le site Web du SCAS, réunion du 8 au 12 mars 2021). Il doit être le point de référence pour étudier les effets cumulatifs des agents de stress dans les décisions de gestion sur la mort du poisson au moyen d’autres recherches, bien que des avis scientifiques seront nécessaires pour inclure l’intégralité des possibles interactions des agents de stress et des sources de mortalité. La plupart des OEA qui entraînent la mortalité du poisson peuvent aussi produire des effets graves, mais non mortels, qui ont une influence sur l’état d’une population et sa résilience à d’autres agents de stress (voir MPO 2021). Malgré cela, les effets graves, mais non mortels, n’ont pas été traités ici. La manifestation des effets graves, mais non mortels, peut mener à l’augmentation de la mortalité du poisson ou peut avoir des conséquences sur les réactions d’une population. Un avis scientifique sur l’intégration des effets graves, mais non mortels, dans les décisions de gestion est donc nécessaire. LISTE DES PARTICIPANTS DE LA RÉUNION Nom Appartenance Al-Ali, Youser MPO Écosystèmes aquatiques Bradford, Mike MPO Science Braun, Douglas MPO Science Chiu, Scott MPO Écosystèmes aquatiques Clarke, Keith MPO Science de Kerckhove, Dak Université de Toronto de Paiva, Alex MPO Écosystèmes aquatiques Dey, Cody MPO Science Drake, Andrew MPO Science Duplisea, Daniel MPO Science Enders, Eva MPO Science Fisher, Neil MPO Écosystèmes aquatiques Fung, Simon MPO Science Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 24 Gregory, Robert MPO Science Hasselman, Dan Fundy Ocean Research Center for Energy (FORCE) Henry, Mike MPO Écosystèmes aquatiques Hill, Jaclyn MPO Science Koops, Marten MPO Science Kristmanson, James MPO Science Leake, Alf BC Hydro Leblanc, Jennifer Nova Scotia Power Levy, Alex L MPO Écosystèmes aquatiques Makkay, Kristina MPO Écosystèmes aquatiques MacLean, Barb Turtle Island Staffing (facilitator) Nelson, Patrick North/South Consultants Inc. Patterson, David MPO Science Poesch, Mark Université de l’Alberta Rotinsky, Brenda MPO Écosystèmes aquatiques Stevens, Cameron Golder Associates Ltd. Theis, Sebastian University of Alberta Thomas, Jennifer MPO Écosystèmes aquatiques Tuen, Alex MPO Science Tunney, Tyler MPO Science van der Lee, Adam MPO Science SOURCES DE RENSEIGNEMENTS Le présent avis scientifique est tiré de la réunion sur les avis scientifiques national sur l’avis scientifique destiné au Programme de protection du poisson et de son habitat concernant l’estimation des effets néfastes sur le poisson et des mesures de compensation pour la mort du poisson, qui s’est tenue du 12 au 16 avril 2021. Toute autre publication découlant de cette réunion sera publiée, lorsqu’elle sera disponible, sur le calendrier des avis scientifiques de Pêches et Océans Canada. Koops, M.A., Dey, C.J., Fung, S., Theis, S., Tunney, T.D., et van der Lee, A.S. 2022. Estimation des effets néfastes sur le poisson et des mesures de compensation pour la mort du poisson. Secr. can. des avis sci. du MPO. Doc. de rech. 2022/080. v + 106 p. ICES. 1998. Report of the study group on the precautionary approach to fisheries management. In ICES Document CM 1998/ACFM:10. Copenhagen. ICES. 2002. Report of the study group on the further development of the precautionary approach to fishery management. In ICES Document CM 2002/ACFM: 10. MPO. 2021. Avis scientifique sur la révision des diagrammes de séquence des effets à l’appui de l’évaluation des risques liés au PPPH. Secr. can. de consult. sci. du MPO. Avis sci. 2021/053. MPO. 2019a. Politique sur l’application de mesures visant à compenser les effets néfastes sur le poisson et son habitat en vertu de la Loi sur les pêches. MPO. 2019b. Énoncé de politique sur la protection du poisson et de son habitat, août 2019. Fisheries and Oceans Canada. http://www.isdm-gdsi.gc.ca/csas-sccs/applications/events-evenements/index-fra.asp http://www.isdm-gdsi.gc.ca/csas-sccs/applications/events-evenements/index-fra.asp https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2022/2022_080-fra.html https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/ResDocs-DocRech/2022/2022_080-fra.html https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/SAR-AS/2021/2021_053-fra.html https://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/Publications/SAR-AS/2021/2021_053-fra.html Région de la capitale nationale Estimer les effets néfastes et les mesures de compensation pour la mort du poisson 25 CE RAPPORT EST DISPONIBLE AUPRÈS DU : Secrétariat canadien des avis scientifiques (SCAS) Région de la capitale nationale Pêches et Océans Canada 200, rue Kent Ottawa (Ontario) K1A 0E6 Courriel : csas-sccs@dfo-mpo.gc.ca Adresse Internet : www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/ ISSN 1919-5117 ISBN 978-0-660-46374-2 N° cat. Fs70-6/2022-052F-PDF © Sa Majesté le Roi du chef du Canada, représenté par le ministre du ministère des Pêches et des Océans, 2022 La présente publication doit être citée comme suit : MPO. 2022. Avis scientifique destiné au Programme de protection du poisson et de son habitat concernant l’estimation des effets néfastes sur le poisson et des mesures de compensation pour la mort du poisson. Secr. can. des avis sci. du MPO. Avis sci. 2022/052. Also available in English: DFO. 2022. Science Advice to the Fish and Fish Habitat Protection Program on Estimating Impacts and Offsets for Death of Fish. DFO Can. Sci. Advis. Sec. Sci. Advis. Rep. 2022/052. mailto:csas-sccs@dfo-mpo.gc.ca http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/ AVIS SCIENTIFIQUE DESTINÉ AU PROGRAMME DE PROTECTION DU POISSON ET DE SON HABITAT CONCERNANT L’ESTIMATION DES EFFETS NÉFASTES SUR LE POISSON ET DES MESURES DE COMPENSATION POUR LA MORT DU POISSON SOMMAIRE INTRODUCTION ANALYSE Quantifier les pertes et les gains Évaluer les effets sur les communautés Conséquences de la mortalité du poisson et considérations pour les décisions liées à la mort du poisson Compenser la mortalité Portée de l’examen et limites potentielles Création d’habitats Restauration de l’habitat Manipulation biologique et chimique Ratios de compensation les plus courants et durée des avantages Évaluation et surveillance préalables aux répercussions en vue de la réussite des compensations et des conséquences imprévues Sources d’incertitude CONCLUSION ET AVIS AUTRES CONSIDÉRATIONS LISTE DES PARTICIPANTS DE LA RÉUNION SOURCES DE RENSEIGNEMENTS CE RAPPORT EST DISPONIBLE AUPRÈS DU :